Le passé de Rulian Spencer [Fanfics by Lia Tsukihana]

Le dernier tableau familial dont Rulian Spencer puisse se rappeler, c'est l'image de son père et de sa mère réunis sous le sapin de Noël, sa mère une main posée sur son ventre arrondi, et lui qui déballait les cadeaux avec la joie enfantine du garçon de 9 ans qu'il était.

Sa famille n'était pas riche, mais ça ne les empêchaient pas d'être heureux. Du moins, c'est ce qu'il croyait. A son âge, il ne voyait pas les regards anxieux que jetait son père au ventre constamment plus gros de son épouse, abritant une future bouche à nourrir, et il n'entendait pas les disputes qui éclataient dans la cuisine, bien après qu'il se soit couché.



A la décharge de son père, on pouvait dire qu'Akiro Muke, jeune homme de bonne famille japonaise, n'avait pas toujours eu de la chance. Il s'était marié avec Laura Spencer, en voyage d'affaires au Japon, contre l'avis des siens, et à la mort de ses parents, n'avait pas touché la part d'héritage à laquelle il prétendait, et sur laquelle il comptait pour arranger ses récents problèmes financiers. Il avait longtemps pensé s'en sortir, mais les dettes s'accumulaient, et les frais à débourser pour Rulian, qui venait de naître, n'était pas pour l'arranger.

Ils avaient cependant survécu, aux prix de sacrifices durs pour tous les membres de la famille. Mais alors que la situation s'améliorait doucement, sa femme s'était de nouveau trouvée enceinte et, de peur de voir l'histoire se répéter, Akiro s'était enfui la veille de l'anniversaire de son fils.

En tant normal, Rulian dormait à l'heure matinale qu'avait choisie l'homme pour couvrir sa fuite. Mais son anniversaire approchait, et le petit garçon guettait le moindre pas de ses parents, espérant découvrir son cadeau avant l'heure.

En entendant la discussion animée entre ses parents dont il percevait les échos depuis sa chambre, il descendit pas à pas les escaliers, espérant trouver une information sur le précieux présent qu'il espérait recevoir.

Pourtant, ce ne furent pas les paroles qu'il attendait qui sortaient de la bouche de son père, et celles-ci le marquèrent à jamais.



"-J'en ai assez, Laura. Trop c'est trop.

-Reste!

-Tu as fait on choix il y a cinq mois, Laura. En refusant d'avorter, tu as scellé mon départ.

-Tu ne peux pas faire ça à Rulian! Il a dix ans demain, Akiro! Attends au moins qu'il…

-Et que lui offrirais-je? Nous n'avons même pas les moyens de lui payer les bougies!

-Reste… ne m'abandonne pas!

-Au revoir, Laura."



Son père avait quitté la maison, fermant la porte derrière lui, sans se retourner. En pleurs, Laura avait levé les yeux et aperçu, horrifiée, son fils qui regardait la porte sans comprendre.



"-Rulian…"



Le garçon avait bondi, refusant d'écouter sa mère, ouvrant la porte à la volée, se mettant à courir pieds nus sur le chemin de terre, derrière la voiture de son père qui s'éloignait déjà. Loin de sa mère. Loin de lui.

"-Papa!"

La voiture avait tourné, disparaissant de la vue du petit garçon.

"-PAPA!"

Akiro avait disparu sans laisser de traces, ne donnant plus jamais de nouvelles, ne leur laissant qu'une montagne de dettes.

Lili était née peu après, et Rulian avait aidé sa mère à tenir la maison. Il avait du grandir vite, trop vite, sacrifiant une partie de son enfance et de son adolescence, mais il ne l'avait jamais regretté. Les jours où il se sentait mal, le sourire radieux de sa petite sœur suffisait à lui rendre le sourire. Sa mère se démenait comme une damnée pour eux.

A l'école, Rulian se plaisait à inventer toutes sortes d'histoires sur son père, pour expliquer son absence. Il devenait tantôt astronaute, tantôt explorateur, parfois agent secret… Mais lorsqu'un jeune garçon mis en doute sa parole, et annonça que son père était surement mort, Rulian avait laissé son visage rayonnant, le masque dont il ne se défaisait pas à l'école, pour se jeter sur l'audacieux et le rouer de coups.

Il avait changé d'école, et n'avait plus jamais parlé de son père.

Rapidement, le jeune homme avait participé activement à la vie économique de la maison. Le village était petit et assez solidaire, les postes de livreur de journaux ou de remplaçant à l'épicerie du coin lui furent parfois réservés par les tenanciers compatissants.

Mais une fois le lycée fini, désirant d'aider sa mère et de ne plus être une charge pour elle, Rulian avait économisé, ne donnant plus tout son salaire à Laura, et avait fini par avoir assez pour partir aux Etats-Unis, où il avait commencé ses études. Assez intelligent, mais pas du tout fixé sur ce qu'il voulait faire, il intégra une fac banale, aux élèves et aux cours banaux.

Il aurait pu en ressortir avec un petit diplôme, banal lui aussi, mais son statut de boursier et son physique particulier, si ce n'était avantageux, lui attira les regards de nombreux étudiants… et étudiantes.

C'est pour séduire l'une d'elles qu'il entra dans l'amphithéâtre où elle avait cours de… philosophie. Doué en anglais, il avait perçu l'essentiel du cours, captivé par ce que le prof faisait passer. Bien que jeune, on sentait une passion chez l'enseignant, rapidement transmise à Rulian.

S'il ne resta pas longtemps avec l'étudiante, il assista néanmoins à tous les cours de philosophie à dater de ce jour, envouté par l'étrange matière.

Devenu indépendant, il se plaisait dans sa nouvelle vie. Populaire, admiré pour ses capacités, même s'il pensait à sa mère et sa sœur, cela lui faisait énormément de bien de vivre pour lui, et uniquement pour lui.



Lorsqu'il quitta l'université, décidé à devenir prof de philo pour faire passer la même passion que celle qu'il avait reçue, il entra dans une grande école. Mais il y était fréquent de "bizuter" les nouveaux élèves, surtout quand ceux-ci avaient montré un certain talent à l'examen d'entrée.

Rapidement mis au courant par une nouvelle conquête, Rulian pris la décision de passer cette première nuit à l'extérieur, décourageant ainsi les imbéciles pour qui ingurgiter trois litres d'alcool était une forme d'intelligence.

C'est cette fameuse nuit que ses préceptes sur la manière dont fonctionnait le monde trouvèrent leur fin. Alors qu'il se baladait, les mains dans les poches, découvrant la ville de nuit, des cris attirèrent son attention.

A trois pas, un homme solidement bâti, une bouteille à la main, semblait particulièrement assidu envers une jeune fille qui avait apparemment peu envie de le suivre.

D'une claque, elle se dégagea de son étreinte, s'enfuyant dans les rues. Il s'avéra malheureusement que la rue qu'elle emprunta était un cul-de-sac. Le poivrot s'y engagea, un sourire lubrique sur les lèvres.

Pétrifié depuis le début, Rulian se décida à intervenir, même s'il estimait ses chances de vaincre l'homme faibles.

Il se précipita donc dans la ruelle, et ce qu'il y vit le marqua pour toujours, scellant sa destinée. Loin de la position de jeune fille en détresse qu'il avait imaginé, la demoiselle se tenait droite, brillant d'une étrange lueur, un bâton démesuré dans sa main, qui luisait lui aussi, d'une lumière qui n'avait rien de normal.

Et le pervers gisait au sol.

La jeune fille leva des yeux surpris vers Rulian. Surprise de ne pas l'avoir senti avant d'utiliser sa magie sur l'autre imbécile, surprise qu'il aie voulu l'aider alors qu'il ne semblait pas forcément fort, surprise aussi de l'aura qui émanait de lui et qui ne demandait qu'à être éveillée.

Rulian, lui, ne bougeait pas. Eberlué, il serra par reflexe la main amicale que la fille lui tendit.

"-Enéssa Hiro, Magister Magi. Enchantée."

Et elle disparu, sans un mot de plus. Comme ça. Un souffle évanescent qui ne laissait que la chaleur de sa poignée de main comme preuve de son existence.



Rulian était retourné à l'école, trouvant sa chambre ravagée par les bizuteurs qui n'avaient pas du envisager qu'il soit absent.

Remettant la lampe debout et le matelas sur le lit, il s'était ensuite allongé, incapable de trouver le sommeil. Une frêle jeune fille n'était logiquement pas capable de mettre à terre un mastodonte de 90 kilos, encore moins de disparaître ensuite.

Il aurait probablement rangé cet évènement dans un coin de sa mémoire, sans plus y penser, gardant la conviction de choses cachées pour lui, si un étrange étudiant, dont une aura écrasante émanait, n'était venu le trouver le lendemain soir.

"-Tu m'intéresses."

Ce furent ses seules paroles, et il invita d'un geste le garçon à le suivre, l'entraînant dans les sous-sols de l'école. Ils arrivèrent finalement dans une immense salle, sobrement décorée, dont la fonction semblait simple: l'entraînement au combat. Des armes étaient entreposées un peu partout, les installations sportives ne manquaient pas.

"-Souhaites-tu intégrer l'ordre des Minister? L'interrogea l'inconnu, en anglais, désignant le blason décoré qui ornait le sommet de la voute de l'entrée.

-C'est quoi, ça? Un club?

-Oh non, Rulian, avait répondu l'homme dans un sourire carnassier. C'est bien plus que cela…"



Après quelques explications, Rulian avait accepté que le monde qu'il connaissait n'était pas le seul à exister, et que la magie n'était pas une fable pour enfants, après une démonstration impressionnante du pouvoir de son initiateur. Il avait donc intégré le groupe, fier quelque part, de servir une cause noble qu'était-celle de la préservation de la Lumière. Il se lia d'amitié avec tout les membres du groupe, ainsi que ceux du groupe des Magister, parmi lesquels il reconnu Enéssa, qui avait parlé de lui au Chef des Ministers Américains. Il aurait aimé effectuer le pactio, mais ne trouvait pas la bonne partenaire, celle avec qui l'entente serait fusionnelle.

"-Tu trouveras" fut la seule réponse de son mentor.

Rulian reçut donc, en même temps que ses études, un entraînement physique strict, qui fit perdre définitivement à son corps les quelques rondeurs enfantines qu'il avait, ne laissant qu'un corps fin et musclé. Il ne manquait que ça à son curriculum vitae, entre la passion de la philo et l'aisance dans les autres matières, qui lui permettaient de donner des cours particuliers (cours réservés aux jeunes et jolies femmes en difficulté uniquement), même si les maths restaient difficiles d'accès, restant un domaine où la logique prédominant chez Rulian n'avait pas sa place.

"On ne peut pas être parfait!" répétaient ses conquêtes aux étudiants jaloux qui n'avaient que ce sujet pour affronter le garçon.



Quant enfin, il eut son diplôme en poche, il se mit à la recherche d'un emploi. Envoyant des CV un peu partout, il eut la bonne surprise de voir qu'un lycée français acceptait vivement de l'embaucher. C'était le lycée de NDSE, où il savait que sa petite sœur était entrée depuis peu. Ce qui l'étonnait plus, c'était qu'il n'avait pas envoyé de CV dans cette école.

Ce fait ne surprit pas le chef des Minister, qui lui confia une lettre pour son vis-à-vis français.

Ce ne fut qu'un peu après que le garçon appris que c'était lui qui l'avait inscrit à NDSE



Rentré en France, Rulian retrouva avec plaisir sa mère. Elle avait trouvé un travail stable, et grâce à sa et à son fils, la situation s'améliorait peu à peu. Et la rentrée scolaire arriva…